lundi 9 février 2015

C'est arrivé un jour #1 : L'incendie du Bazar de la Charité

Aujourd'hui c'est lundi. Et le lundi, soit on évite les arbres qui tombent avec le vent, soit on lit en toute sécurité "La petite histoire de l'Histoire"

Comme moi j'ai déjà 2 arbres devant la porte, j'ai le plaisir aujourd'hui de pouvoir vous présenter aujourd'hui une nouvelle rubrique : "C'est arrivé un jour". Dans ces articles, nous reviendrons sur un jour marquant de l'Histoire de France ou d'ailleurs, et je vais pouvoir jouer à Pierre Bellemare en vous racontant presque en temps réel ces journées peu ordinaires.

Pour cette première, nous allons voir que parfois, faire la charité peut être mortel.

Nous sommes le 4 mai 1897, en plein Paris dans le 8e arrondissement, et l'une des pires catastrophes urbaines se prépare.
 



Le contexte :

- Depuis 1885, des oeuvres de bienfaisance, souvent gérées par des riches aristocrates qui s'achètent ainsi une bonne concience, organisent le Bazar de la Charité durant lequel des objets sont vendus au profit des plus démunis.

- En 1897, un terrain est prêté gracieusement par un riche banquier pour l'occasion. Endroit idéal car sur ce terrain s'élève un immense hangar en bois de 80m sur 13.

- Les organisateurs décident que le thème de cette année sera "Paris au Moyen-Age". Le Bazar sera donc décoré pour l'occasion en recréant une ruelle du vieux Paris et ses échoppes aux noms évocateurs comme "A la Tour de Nesle" (ce nom doit vous rappeler quelque chose si vous suivez assidument ce blog...); "A la truie qui file"; Au Lion d'or"; "Au chat Botté"...

- Clou du spectacle, le Bazar accueillera pour la première fois la toute nouvelle invention des Frères Lumières : un cinématographe! Pour 30 centimes, les spectateurs pourront assister à la magie des images animés avec des films comme "La sortie des ouvriers à l'usine Lumière de Lyon"; "L'arrivée du train en gare de La Ciotat" ou "L'arroseur arrosé"

- Les ventes doivent se dérouler du 3 au 6 mai. Le 3, tout se passe bien et tout le gratin de Paris vient se montrer pour cette oeuvre de charité.

Le Drame :

Le 4 mai donc, la journée démarre idéalement bien.  Environ 1200 personnes se pressent dans le Bazar dont des personnalités comme la duchesse d'Alençon (la soeur de Sissi Impératrice!), la duchesse de Vendôme, la duchesse d'Uzès...

Vers 16h, la duchesse d'Alençon qui préside un stand, dit à sa voisine "J'étouffe!". Cette dernière répond : "Si un incendie éclatait, ça serait terrible!"

Quelques minutes plus tard, dans la cabine du technicien qui s'occupe du cinématographe, la lampe du projecteur qui fonctionne à l'éther est vide. Le projectionniste décide alors de refaire directement le plein quand son assistant a la merveilleuse idée de craquer une allumette pour y voir plus clair... Les vapeurs d'éther s'enflamment immédiatement et malgré les efforts des deux maladroits pour éteindre le feu, rien n'y fait. Il se propage déjà à une vitesse effrayante.

Le duc d'Alençon, prévenu du départ de feu, commence à faire évacuer discrètement les invités par la porte principale. Mais il est déjà trop tard...

Soudain, en quelques minutes, un rideau prend feu, enflamme les boiserie, puis se propage au plafond couvert de velum goudronné. Les échoppes médiévales, toute en bois, rubans, chiffons, tapisserie et dentelles font le bonheur des flammes qui dévorent tout avec un appétit sans limite.

La panique se propage alors comme une trainée de poudre, et le calme mondain cède la place au chacun pour soi. On court, on se piétine, on écrase, pour sortir au plus vite de cet enfer. Les femmes, engoncées dans leur longues robes sont désavantagées et chutent en marchant sur leurs vêtements. Celles qui tombent sont piétinées par la foule.

La duchesse d'Alençon, qui aide des gens à s'enfuir dit à l'une de ses amies, la comtesse Mathilde d'Andlau "Fuyez! Ne vous occupez pas de moi. Je partirais la dernière"

Quelques invités voyant que la porte principale est désormais inaccessible, rebroussent chemin et tentent de fuir par la cour intérieur qui donne sur les cuisines de l'Hôtel du Palais. Les cuisiniers présents parviennent à desceller 3 barreaux des fenêtres à extirper du brasier quelques personnes, trop peu...

Pour les centaines d'autres, c'est le piège. Le hangar est un immense brasier. Le faux plafond fini par s'écrouler enflammé sur une partie de la foule. On imagine les cris, la peur, la fumée.

La duchesse d'Alençon, réfugiée près de religieuse là où se trouvait son stand, prend dans ses bras la jeune comtesse de Beauchamp pour lui masquer la mort qui l'attend. Une religieuse dit "O Madame, quelle mort!" La duchesse répond dignement "Oui mais songez que dans quelques minutes, nous verrons Dieu!"

Dans la rue, des passants courageux tentent d'aider les gens pris au piège. L'un des hommes présents, va sauver plusieurs enfants, mais ne pourra rien faire pour les autres. Il témoigne le lendemain, expliquant qu'il a vu des bras sortir d'une fenêtre. Quand il a voulu les tirer pour sortir la personne du Bazar, il ne lui ai resté dans les main que des lambeaux de peau, de la chair brûlée et un doigt...

Quinze minutes après le début de l'incendie, le bâtiment s'effondre. Tout est fini. Le spectacle est désolant, offrant une vision d'apocalypse : des monceaux de cadavres calcinés s'entassent là où se dressait une heure auparavant le décor somptueux du Bazar.

Cette catastrophe a fait au total 124 victimes dont 118 femmes pour la majorité issue des familles aristocratiques du tout Paris. On sent que le bon vieux "les femmes et les enfants d'abord" n'a pas vraiment été respecté...

Parmi les victimes "indirect", le duc d'Aumale, fils du roi Louis-Philippe 1er, fera une crise cardiaque en apprenant la mort de la duchesse d'Alençon, la sœur de Sissi, et épouse de son neveu, auquel le duc était extrêmement attaché.

Les conséquences :

Considéré comme principale cause de l'incendie, le cinématographe failli disparaitre à jamais! Une loi interdit un temps l'utilisation des projecteurs. Le cinéma va donc trouver un nouvel élan à l'étranger, du côté de l'Amérique...et la France prendra un retard considérable dans la création de films...

Les frères Lumières vont pourtant inventer rapidement une lampe électrique qui évitera tout risque d'incendie.

Ce drame sera également à l'origine de la réglementation sur la sécurité, l'évacuation et les matériaux des lieux publics.

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La semaine prochaine, nous reviendrons sur le destin d'une femme qui n'a pas été épargnée par l'Histoire, et j'aurais du lourd, du très très lourd!

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