lundi 4 mai 2015

Focus sur... #4. Les naufragés de l'île Tromelin : "Seuls au monde"

Aujourd'hui c'est lundi. Et le lundi, soit fait des paris sur le prénom du Royal Baby n°2, soit on lit "La petite histoire de l'Histoire"
 
Comme moi j'ai tout misé sur "Josette", j'ai le plaisir de vous présenter l'épisode 35 de votre série préférée!
 
Nous parlerons cette fois d'un évènement assez méconnu, et pour cause : il ne met pas vraiment en valeur la fraternité et l'égalité...
 
La machine à remonter le temps a fait des provisions en cas de naufrage, c'est parti!

 
Tout commence par un naufrage dans la nuit du 31 juillet au 1er août 1761, au large de l'île des Sables, à environ 450km à l'est de Madagascar et 535km au nord de la Réunion.
 
Cette nuit là, à la suite d'une erreur de navigation, une frégate française, l' "Utile", se fracasse sur les récifs coralliens de l'île. Sur ce bateau on compte 142 hommes d'équipage et surtout 160 malgaches, hommes, femmes et enfants, qui devaient être conduits sur l'île Maurice en esclavage.
 
L'équipage dans son intégralité et environ 60 esclaves parviennent à gagner le rivage...les autres esclaves périssent noyés dans la cale du bateau où ils étaient enfermés...
 
Pas de bol pour tout le monde, l'île des Sables n'est pas vraiment le paradis du naufragés. On est loin de l'île paradisiaque de Robinson ou de Koh Lanta. Ici, l'île ne mesure que 1700m de longueur, sur 700 maximum de largeur. Pas d'arbres, que des herbes et des broussailles. Très peu d'animaux. Le point culminant est à 7m. Il pleut de janvier à mars, et il y a fréquemment des cyclones très violents en saison chaude. Mmmm ça donne envie hein?
 
 
Dans un premier temps, tout le monde s'organise plutôt pas mal. Les naufragés récupèrent tout ce qu'ils peuvent de l'épave du bateau : bois, outils, quelques vivres... Ils parviennent à creuser un puits pour obtenir de l'eau à peine potable.
 
Le capitaine a perdu la raison suite au naufrage, il est donc remplacé par son premier lieutenant qui organise la construction de deux campements : l'un pour l'équipage, l'autre pour les esclaves. Oui parce que faut pas exagéré quand même, on va pas se mélanger...
 
Avec les restes de l'épave, le premier lieutenant Castellan fait également construire une embarcation sommaire qui sera terminée en 2 mois. Lui et les 122 membres d'équipages encore vivants s'entassent dessus et prennent la mer, abandonnant les esclaves sur l'île sans oublier bien entendu de leur promettre de revenir rapidement les chercher...
 
Tout ce petit monde parvient à gagner l'île Maurice en 4 jours seulement. Seulement le gouverneur local refuse de fournir un bateau au lieutenant Castellan pour retourner chercher les esclaves, malgré plusieurs demande de sa part.
 
Durant le transfert des rescapés à la Réunion, le capitaine décède et le lieutenant Castellan décide de rentrer en France fin août 1762.
 
La nouvelle de l'abandon des esclaves arrive à Paris et agite pendant quelques mois les milieux intellectuels. Puis, tout le monde oublie ces pauvres malgaches car la Guerre de 7 ans prend fin et la Compagnie des Indes a fait faillite.
 
Pourtant, en 1773, un navire qui passe à proximité de l'île des Sables repère les naufragés et les signale aux autorités de l'île Maurice. Cette fois, un bateau est envoyé sur place, mais le sauvetage échoue à cause de mauvaises conditions météo.
 
Un an plus tard, en 1774, un second navire arrive sur place mais ne peut pas non plus s'approcher du rivage. L'équipage parvient tout de même à mettre à la mer une chaloupe avec un marin qui rejoint l'île et les esclaves. Pas de bol, le navire ne pouvant vraiment pas accoster, le marin est à son tour abandonné et laissé avec les esclaves.
 
Ce marin, décidé à ne pas pourrir sur place, fabrique une nouvelle embarcation et prend la mer avec les 3 derniers hommes malgaches encore en vie et 3 femmes. Le radeau n'atteindra jamais aucune terre et disparait en mer en 1775.
 
Le sauvetage :
 
Ce n'est finalement que le 29 novembre 1776, soit 15 ans après le naufrage, que le chevalier de Tromelin accoste sur l'île qui ne porte pas encore son nom et récupère les derniers survivants. Il découvre alors 7 femmes et un bébé de huit mois.

 

 
Ils sont vêtus d'habits en plumes tressés, et ont réussi l'exploit de maintenir un feu allumé pendant 15 ans malgré l'absence de bois sur l'île!
 
Tout ce petit monde est rapatrié sur l'île Maurice, où le gouverneur décide de nommer le bébé Jacques-Moïse (très facile à porter!). La mère de l'enfant, elle, dont le nom malgache est Semiavou, est débaptisée pour être appelée Eve. La grand mère du bébé est appelée Dauphine par le Gouverneur, en l'honneur du nom du bateau ayant recueilli les naufragés. Les deux femmes et l'enfant décident de rester sur l'île Maurice dans la maison du Gouverneur.
 
Les autres rescapés refusent également de repartir à Madagascar (ils ne veulent pas reprendre le bateau??? bizarre!) et restent à demeure sur l'île Maurice.
 
Le chevalier de Tromelin, quand à lui, sera le premier à décrire parfaitement l'île des Sables, et fini par lui donner son nom.
 
 
Aujourd'hui :
 
L'île Tromelin fait actuellement parti des Terres Australes et Antarctiques Françaises, mais est revendiqué par l'île Maurice.
 
Sur l'île, on trouve un phare, une piste d'atterrissage et une station météo.
 
4 expéditions archéologiques ont été menées depuis 2006 : "Opération Esclaves Oubliés", afin de mieux comprendre comment ce groupe de pauvres gens a pu survivre durant 15 ans.
 
Les fouilles ont permis de comprendre que les naufragés avait notamment consommé des tortues, du poisson, des oiseaux, causant de véritables dommages à la faune de l'île. Les chercheurs trouvent aussi trois bâtiments construits avec des blocs de corail et dont l’épaisseur des murs dépassaient un mètre, pour se protéger d'un soleil dardant.
 

 
Le feu est maintenu pendant 15 ans grâce au bois de l'épave de la frégate. Sont retrouvés également six gamelles en cuivres réparées à de nombreuses reprises et un galet servant à affuter les couteaux.
 

 
La quatrième expédition a lieu en septembre/octobre 2013. D'une durée de 45 jours, elle a permis de relever de nombreux outils, des foyers et de comprendre l'aménagement du lieu, réalisé en quatre phases d'habitation.
 

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La semaine prochaine, retour au Moyen-Age. Je vous parlerais du premier tueur en série de l'Histoire, et j'aurais du lourd, du très très lourd!

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